Des millions de téléspectateurs sont tombés sous le charme de « Midge », à savoir Miriam Maisel, lors des débuts de la série La fabuleuse Mme Maisel sur Prime Video en 2017. Jouée par l’actrice Rachel Brosnahan, Mme Maisel a captivé le public tandis qu’elle partait à la conquête de la scène humoristique des années 1950, armée d’un esprit vif, d’un optimisme implacable et d’une merveilleuse garde-robe, conçue par la créatrice Donna Zakowska, deux fois primée aux Emmy Awards.
« Les couleurs m’ont servi à dépeindre le paysage émotionnel [de Midge] et à mettre l’accent sur les moments où elle devait se montrer particulièrement comique ou héroïque, voire prendre les devants », a écrit Mme Zakowska dans son livre Madly Marvelous: The Costumes of the Marvelous Mrs. Maisel. « J’ai commencé à qualifier ses manteaux d’“armures multicolores”. Je [les] considérais comme l’équivalent d’une cape de super-héros : une carapace émotionnelle, transfigurante et protectrice qui enhardit le personnage et lui permet d’agir. »
En plus de créer la garde-robe emblématique de Mme Maisel, Donna Zakowska dirige la conception des costumes pour tous les personnages de la série, planifiant méticuleusement chaque ensemble de sorte qu’il cadre avec une palette de couleurs et un style qui reflète l’atmosphère, la signification et le lieu de chaque scène.
« J’ai puisé dans ma formation de peintre pour exploiter aussi efficacement que possible les couleurs, et je pense que cela a eu un effet sur l’aspect général de la série », a déclaré Mme Zakowsa.
Nous nous sommes entretenus avec cette dernière pour en savoir un peu plus sur son expérience de travail avec Amazon Studios, obtenir une esquisse de son processus de création et discuter de son nouveau livre. Poursuivez la lecture pour découvrir tous les aspects qui entrent dans la conception des costumes de cette série phare.
Avant toute chose, parlez-nous de votre livre.
L’Internet contient beaucoup d’informations sur la création de Mme Maisel, et je voulais que le livre se distingue de tout cela en adoptant une perspective plus personnelle et intime. Il montre tous les échantillons et de nombreux croquis utilisés pour concevoir les différents styles de la série, en plus d’expliquer mes antécédents et mon processus. Il détaille également ce que j’appellerais « la philosophie Maisel », qui veut qu’on ne peut jamais avoir trop d’explosions de couleurs, d’accessoires et de détails.
Comment le style de Midge a-t-il évolué au fil des saisons?
Selon moi, les vêtements de Midge reflètent sa transition de ménagère en artiste, de même que toutes les autres transitions qui y contribuent. Elle a toujours aimé les vêtements, et il s’est toujours dégagé de son apparence une sorte d’optimisme, mais on aperçoit progressivement moins le genre de vêtements qu’elle pourrait porter en cuisine et plus des tenues qui suivent son cheminement. Au moment d’entamer sa carrière de comédienne, elle jouait un peu un rôle, car la fille des quartiers chics qu’elle était descendait au centre-ville. Elle portait ce que, dans son esprit, portaient les beatniks ou les habitants du centre-ville, mais son style a fini par évoluer au fil de sa relation avec [le] Gaslight et de sa transformation progressive en artiste.
Vous avez remporté un Emmy pour l’épisode dans les Catskills. Selon vous, qu’est-ce qui a distingué cet épisode des autres?
L’épisode dans les Catskills a permis de restituer un monde qu’on ne voit pas très souvent. Il dépeignait un moment très spécial où les gens avaient envie de s’amuser. Il nous a permis de sortir de la ville et de créer des tenues joviales tout à fait semblables à ce que les gens portaient lorsqu’ils se rendaient dans les Catskills pour profiter d’un moment de détente. L’épisode était empreint d’une théâtralité et d’une jovialité toute en teintes d’orange que les téléspectateurs ont adoré. Je pense que cela a rappelé à beaucoup de gens leurs grands-parents et les histoires qu’ils ont entendues sur cette époque.
Que faut-il faire pour créer un « style distinctif » pour un personnage?
Je commence toujours par faire des recherches. Dans le cadre de cette série, j’ai consulté de nombreux magazines des année 50, principalement Vogue et Harper’s Bazaar, et je me suis plongée dans des photographies de cette période. Ces recherches m’ont permis de me pencher sur chaque personnage en explorant sa vie et choisissant des vêtements qui correspondent à l’époque. J’aime à dire que nous, les costumiers, vivons de nombreuses vies, car on commence à s’imaginer vivre comme chaque personnage pour savoir d’instinct ce qu’il porterait. Susie, par exemple, est originaire du West Village, et son style est caractéristique de la génération des beatniks, qui commençait tout juste à prendre forme dans les années 50 à New York. C’est un changement par rapport au style « centre-ville », qui était très différent de celui des beaux quartiers dont provient Midge.
Comment la personnalité des acteurs influence-t-elle la conception des costumes de chaque personnage?
Si ce sont de bons acteurs, elle n’influence rien du tout. Ce que je veux dire par là, c’est que tout le monde a des préférences personnelles. Il y a des aspects de son corps ou des couleurs particulières que l’on n’aime pas, mais je trouve que les bons acteurs sont beaucoup plus intéressés par la direction que leur font prendre leurs vêtements. Ça a été le cas pour tous les artistes avec qui j’ai travaillé sur le plateau de Maisel. Ils se sont montrés très professionnels et ont fait preuve d’un grand intérêt pour leur personnage au cours de ce processus. J’ai le fort sentiment qu’à chaque essayage, Rachel et moi savions exactement qui Midge devait être. Elle disait toujours qu’en mettant un chapeau, Midge lui venait soudain tout naturellement. C’est un sentiment qu’on ne peut pas décrire par des mots et qui vous permet de savoir d’instinct qui est tel ou tel personnage.
Y a-t-il eu des moments ou des épisodes particulièrement difficiles du point de vue de la conception des costumes?
Je pense constamment à la façon dont je vais habiller Midge. C’est l’une des plus grandes difficultés, parce qu’il ne faut pas se répéter, mais il ne faut pas non plus s’écarter du style du personnage. Dans la troisième saison, nous avons commencé à ajouter de petites touches de couleur à ses tenues, comme des plumes roses ou une ceinture verte, au fur et à mesure de l’évolution de son style. La conception de ses costumes représentera toujours un défi, et d’une certaine manière, la chose la plus difficile pour moi, c’est probablement de faire en sorte qu’ils restent intéressants tout en adoptant un style cohérent d’un épisode à l’autre.
Qu’est-ce qui a été différent dans votre travail sur cette série par rapport aux autres?
Ce qui est ressorti, pour moi, c’est le niveau d’ambition et ce que nous créons. Il s’agit d’une série, ce qui signifie que les choses bougent très vite. Nous n’avons jamais beaucoup de temps, mais tous les vêtements de Midge et pratiquement tous ceux des acteurs principaux sont conçus et confectionnés de zéro. Grosso modo, on réalise du travail de haute couture à un rythme de série. Une fois que le train quitte la gare, au début de la saison, il n’y a pas d’arrêts et on ne lève pas le pied jusqu’à la fin.
Vous avez mentionné que votre expérience en matière de danse vous sert souvent d’inspiration pour vos créations. En quoi cette expérience vous a-t-elle aidée à concevoir la garde-robe de Midge?
J’ai toujours adoré le mouvement et la danse. J’ai fait de la danse moderne et du ballet et, à un moment, j’ai même étudié la danse balinaise, en Indonésie. Je pense que ça a exercé une influence sur la façon dont je perçois les tissus, parce que, quand on a étudié en danse ou en arts dramatiques, on est plus sensible à la façon dont ils bougent. Amy Sherman-Palladino [la créatrice de La fabuleuse Mme Maisel] possède aussi une grande expérience de la danse, et c’est ce qui a démarré tout le concept des manteaux de Midge. La première fois que nous avons vu Rachel déambuler dans la rue, dans son grand manteau, Amy lui a demandé de tournoyer et de danser, et cela nous a donné l’idée du manteau, qui est en quelque sorte le costume de super-héros de Midge. C’est sa cape, et il reflète la façon dont Midge se présente au reste du monde.
Y a-t-il des articles que vous avez été particulièrement heureuse de vous procurer aux fins de la série?
Nous sommes constamment à la recherche de sacs à main, de chaussures et d’autres accessoires beaux et originaux. Notre collection de chapeaux est tout particulièrement importante, et nous en avons dénichés de très séduisants, notamment des modèles d’époque conçus par Dior. D’habitude, les chapeaux que nous trouvons nous servent uniquement de prototypes et ne sont pas portés par les acteurs, car ces derniers arborent généralement une perruque ou une coiffure qui les en empêchent.
Qu’attendez-vous que les fans ressentent en voyant les costumes et en lisant votre livre?
Chaque saison, j’espère que nous trouverons des styles différents et diverses façons de voir Midge. La dernière saison, qui comporte une certaine théâtralité, contient des éléments très spéciaux, et j’espère que les gens l’apprécieront. Pour ce qui est du livre, j’aimerais vraiment qu’il aide les lecteurs à toucher « l’âme » de Mme Maisel. Souvent, on voit un costume sans saisir les étapes dont il résulte, et j’espère que les lecteurs comprendront le niveau de réflexion qui entre en jeu pour habiller chaque personnage de la série.